On considère, dans le milieu ostéopathique, la dure-mère comme un manchon rigide solidement inséré entre la zone crânio-cervicale et le sacrum, responsable de la transmission de mouvements entre ces deux extrémités.
Il est étrange de retenir une telle idée car si tel était le cas il serait impossible de pencher le rachis dans tous les plans de l’espace sachant que la moelle épinière a une élasticité de 4 cm. Et pourtant tous les mouvements peuvent être effectués sans la moindre restriction si ce n’est celle des ligaments et des muscles. (1)
Une étude très intéressante a été menée par Hafida Izelfanane, ostéopathe et anatomiste (2), qui a mis en évidence la présence de certains ligaments notamment de Trolard, de Hofmann, fibres de Soulié, opercules de Forestier, conférant à ce manchon dure-mérien une certaine élasticité.
Certains auteurs comme Bourret et Louis en 1974 (3), Decker en 1961 (4) et Troup en 1986 (5) ont aussi démontré la présence de plis tout le long de la membrane rachidienne confirmant ces résultats.
En effet, Girardin (6) a mis en exergue cette élasticité en tractant perpendiculairement une zone de la dure-mère, sur un spécimen, sans entraîner de mouvements dans les segments sus et sous-jacents.
(Illustration issue du Mémoire de Hafida Izelfanane)
L’observation de ces ligaments a été faite par les anatomistes de la fin du XIX° siècle mais ces détails ont été supprimés pour faciliter l’enseignement de l’anatomie auprès des étudiants en médecine de l’époque. Les ostéopathes ont repris à leur compte, cette anatomie tronquée, sans le savoir, pour justifier le mouvement crâne-sacrum grâce à la dure-mère. (7)
L’étude de la dure-mère montre, à l’évidence, qu’elle ne peut en aucune manière transmettre le moindre mouvement, son rôle est de protéger la moelle. Un tel système ne peut être à la fois « chaîne de distribution » et « amortisseur ». Seule cette dernière fonction peut être retenue.
Les membranes intra-crâniennes ne sont pas extensibles et contractiles, contrairement aux muscles, il est donc impossible de les étirer, de les assouplir et prétendre les tester et traiter « mécaniquement » devient parfaitement illusoire. Les pressions très importantes qui se chiffrent en kilos lors de la mastication n’influencent pas les sutures et les quelques dizaines de grammes de pressions lors d’un traitement crânien ne peuvent en rien, les modifier. Pendant le sommeil, le poids de la tête sur un support, ne modifie pas non plus l’architecture crânienne sauf chez les nouveaux-nés bien évidemment.
Il est aussi plus que hasardeux, d’exécuter les mêmes pratiques sur la dure-mère ou core-link. Les techniques issues des concepts de Upledger, de relâchement ou d’étirement des MTR (membranes de tension réciproque) posent maintenant un sérieux problème de crédibilité quant à leurs justifications, indépendamment des résultats.
A cet égard, la chirurgie des crâniosténoses est riche d’enseignement. Le frontal, les pariétaux, une partie de l’occiput sont retirés. Des espaces fenèstrés sont aménagés sur les temporaux et une partie des pariétaux. La dure-mère est désinsérée en totalité, avec la faux du cerveau. Une électrocoagulation est opérée sur la dure-mère pour créer une adhérence avec une partie des pariétaux afin d’éviter qu’il se décalent par la suite. Ces adhérences ne correspondent pas du tout avec l’axe de mouvement des pariétaux comme définis en ostéopathie.
Le crâne peut alors se développer sans difficultés. Lorsque le cerveau aura cessé sa croissance, les os ainsi positionnés se souderont en totalité. A noter que la dure-mère et la faux du cerveau n’ont plus d’adhérences et les liquides avec leur faible pression participant à la mobilité supposée des os du crâne chez l’adulte, n’ont plus d’action. On serait tenté de penser que sans « rebond » liquidien, sans présence de sutures « naturelles » et sans tension des membranes de tension réciproque il pourrait y avoir des dysfonctions de mobilité. Il n’en est rien, l’enfant grandit sans aucun signe pouvant laisser supposer une dysfonction cinétique locale ou à distance.
Docteurs A. Van Garsse (Chirurgie plastique) et J.D. Born (Neurochirugien)
Parfois il faut intervenir une autre fois lorsque l’ossification est trop rapide ne laissant pas suffisamment de temps au cerveau pour terminer sa croissance. C’est ce qu’on peut voir sur la partie supérieure de l’image ci-dessus où apparaissent les traces de passage des fils de sutures. Les pariétaux ont été redimensionnés, la sagittale est inexistante, tout comme la lambdoide et la coronale.
D’autres images d’intervention pour une trigonocéphalie prennent en compte les ailes du sphénoide solidarisées avec le frontal.
Ostéotomie fronto-orbitaire.( Docteur Laurent Riffaud. Service de neurochirurgie, CHU de Rennes)
Deux vidéos intéressantes sur la chirurgie des crâniosténoses, accessibles dans l’onglet « Liens », donneront davantage de sens à mes propos.
Une autre sur une lobectomie temporale droite pour une sclérose temporale médiane. On peut voir les mouvements du cerveau qui ne sont en fait que la conséquence des battements artériels issus des puissantes contractions cardiaques. Les ostéopathes prétendent percevoir les infimes contractions des cellules de la névroglie mais jamais celles des artères. C’est plutôt étrange. En fin d’intervention la dure-mère est suturée sur le pourtour du pariétal et adhère sur toute sa surface. Par la suite il n’y a aucune complication à type de céphalées ou vertiges malgré la large adhérence.
Et pourtant il y a bien un système qui entraîne le crâne par l’intermédiaire du sacrum et inversement. C’est plus simple que ce qu’on peut l’imaginer. Ce sont les fascias qui, sollicités sous forme de chaînes, sont capables de transmettre une traction par l’une des deux extrémités. Les fascias, eux aussi, ne sont pas contractiles, ils peuvent se fibroser et sont peu extensibles spontanément. Ce concept recoupe parfaitement les travaux de F. Mézières et P. Souchard (8) qui démontrent la notion de chaînes comme éléments de maintien et de transmission de mouvements d’une structure à une autre. Ces structures doivent être assouplies sous forme de chaînes permettant ainsi un étirement spécifique afin d’éviter les compensations.
En outre, lors des mouvements du rachis dans tous les plans, l’alternance des courbures permet un pompage veineux par l’intermédiaire des opercules de Forestier.
Il serait maintenant intéressant de prendre en compte ces références anatomo-physiologiques incontournables, fiables et reconnues de tous afin de les répercuter dans les programmes d’enseignement des collèges d’ostéopathie.
(Dernière mise à jour : lundi 11 avril 2016)
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1 – James Jones ; DO, College of Osteopathic Medicine of the Pacific Western University of Health Sciences, Pomona, Californie.
2 – Izelfanane Hafida ; Insertions de la dure-mère, une anatomie redécouverte. Master I, sciences biologiques et médicales en 2007-2008.
3 – Bourret P, Louis R. Anatomie du système nerveux central. Ed. Expansion Scientifque Française, deuxième édition. 1974.
4 – Decker L. La mobilité de la moelle épinière à l’intérieur du canal vertébral. Ann Radiol Paris. 1961.
5 – Troup JDG. Biomechanics of the lumbar spinal canal. Clinical Biomechanics 1. 1986.
6 – 7 – Izelfanane Hafida ; Insertions de la dure-mère, une anatomie redécouverte. Master I, sciences biologiques et médicales en 2007-2008.
8 – Souchard Ph. ; Méthodes Mézières, Maloine.
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